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Histoire(s) pertuisienne(s) en Vaucluse

Les ponts de Pertuis (E.V.)

XIXème siècle, la "révolution Seguin"

Marc Seguin (dit l'Aîné) – 1786 / 1875

Marc Seguin naît à Annonay (Ardèche) le 21 avril 1786. Par sa mère, il est neveu du célèbre Joseph de Montgolfier, inventeur du ballon à air chaud, lequel aura une très grande influence sur son éducation et la formation de son esprit scientifique. Marc est l'aîné d'une famille de six enfants, dont le père fabrique et commercialise le drap.

L'entreprise familiale est trop étroite pour subvenir au futur des six enfants. Marc et ses frères vont alors systématiquement dépouiller les revues scientifiques et techniques de leur époque, qui seront à l'origine de maintes idées et inventions, petites et grandes. La plupart d'entre elles sont liées au transport, dont ils ont compris l'importance en commercialisant le drap.

L'idée des ponts suspendus naît d'une conversation avec Monsieur de Plagniol, ingénieur des Ponts et Chaussées de l'Ardèche. Marc Seguin met alors au point le principe de la suspension par fil de fer (câble) et réalise en dix-huit mois le pont de Tournon (1825), qui est une grande réussite technique.

Contrairement à l'ancienne suspension par chaîne ou barre, la suspension par câble permet de faire circuler aisément chariots et voitures. ("Marc Seguin et ses descendants" - MarcSeguin.fr)

Cette invention lancera une véritable révolution des ponts suspendus en France et en Europe. Certaines sources recensent la construction de plus de 180 ponts semblables réalisés par les cinq frères Seguin. D'autres évoquent 400 ponts construits sur le modèle Seguin.

Si Marc Seguin est donc l'initiateur, dès 1825, des ponts suspendus basés sur le principe de la résistance des câbles, ses inventions ne se limiteront pas à ce point précis et couvriront par la suite bien d'autres domaines :

• Invention des premiers embryons d'armatures métalliques internes au béton 1825 - non déposée. L'invention du béton armé fut déposée officiellement en 1892 par F. Hennebique. (Les frères Seguin déposeront peu de brevets).
• Première société de halage par la vapeur sur le Rhône en 1825
• Invention du travail sous cloche à plongeur (pour la mise en place des piliers des ponts sur le Rhône) : 1825
• Invention de la coulée de béton hydraulique, grâce aux propriétés hydrauliques des chaux du Teil qui ont la capacité de durcir sous l'eau (1825)
• Invention de la bétonnière horizontale,1825
• Invention de la chaudière tubulaire (1827)
• Invention du rail en fer sur traverse en bois, plutôt qu'en fonte posé sur des cubes de métal ou de pierre (1827)
• Percée du plus grand tunnel de l'époque (1298 m, 1 voie)- 1827-29
• Première ligne ferroviaire commerciale française à traction mécanique utilisant la vapeur. Premier transport de voyageurs par voie ferroviaire en 1831. 
("Quelques pages d'art et d'histoire" - art-et-histoire.com)

Marc Seguin travaillera étroitement et efficacement avec ses frères (Camille, Jules, Paul, et Charles) qui, pour chacun, contribueront largement à ses succès. Sa place dans la fratrie lui vaudra toutefois la signature d' "Aîné".

Les inventions de Marc et ses frères, concrétisées par la création d'une dizaine de sociétés, offrent de nombreux avantages à leurs nombreux clients et rencontrent dès lors un succès inespéré.

Pour ce qui est des ponts, par exemple, l'ensemble des innovations se traduit en effet par une réduction drastique du coût de construction (coût évalué grossièrement, en 1830, à 1000 Frs du mètre courant contre - au plus performant - 2000 Frs pour un pont en maçonnerie). Et cette réduction en coût s'accompagne d'une réduction du temps de réalisation. Enfin, ces constructions, malgré leur apparente fragilité, révèlent une très bonne résistance aux crues, fléau des ponts en construction maçonnée.
 

Jules Seguin, concepteur du premier pont de Pertuis sur la Durance
 

Photo Amis et Passionnés du Père Lachaise (APPL) - appl-lachaise.net

Et c'est ainsi que le 14 septembre 1833, le marché pour la construction d’un pont à Pertuis est adjugé à Jules Seguin et Cie, qui se propose bien entendu de construire un pont "en fil de fer" par-dessus la Durance. Le pont est inauguré en octobre 1835.

Jules Seguin, frère de Marc, est né à Annonay (Ardèche) en 1796, soit 10 ans après son aîné. Il travaille lui aussi étroitement et efficacement avec ses frères, bien qu'adoptant une ligne générale et des positions indépendantes de ceux-ci. Sa créativité technique est certaine, et pendant la période 1826-1834, Jules devient le grand entrepreneur de ponts sous le nom "Seguin", dans la mesure où son frère Marc en avait l'interdiction, compte tenu de son contrat concernant la compagnie de chemin de fer. Mais ceci n'empêchera des relations permanentes entre les frères...

A noter : la Cie Jules Seguin sera également chargée de la construction du pont de Cavaillon, terminé en 1837 et détruit en 1931.

L'utilisation du bac était payante ; le passage du pont de Pertuis le sera également. Une ordonnance du Roi Louis-Philippe approuve, le 2 décembre 1833, l'adjudication de la construction du pont "au sieur Jules Seguin et compagnie" moyennant la concession d'un péage sur ce pont pendant 48 années, et une subvention de soixante mille francs sur les fonds du trésor. L'ordonnance fixe le tarif des droits de péage à percevoir au passage du pont, ce que détaillent les archives du Bulletin des Lois.

A l'époque de la livraison du pont de Pertuis, la Cie Jules Seguin est en plein essor et engage plusieurs dizaines de chantiers chaque année ; plus d'une centaine même deux ou trois années plus tard. Ce qui n'empêchera pas Jules Seguin de connaître une faillite - sans réelles conséquences sur la suite de sa carrière - moins d'une dizaine d'années plus tard.

Mauvaise gestion ? Trop d'ambition, trop de précipitation ? L'Histoire ne le dit pas. Toujours est-il qu'à Pertuis, très vite, des problèmes de construction apparaissent aux culées, à la pile, au tablier et, en 1842, le concessionnaire est mis en demeure de remettre l'ouvrage en état.

Quelques réparations sont faites, mais le 2 novembre 1843, une crue millénale emporte la travée droite. Cette même crue emporte cinq autres ponts sur la Durance : les ponts des Mées, de Mirabeau, de Manosque, de Cadenet et de Rognonas. En juillet 1844, le pont de Pertuis est de nouveau ouvert à la circulation.

Conformément au cahier des charges de 1833 et à la loi du 30 juillet 1880 sur le rachat des concessions des ponts à péage, les départements de Vaucluse et des Bouches-du-Rhône prennent possession du pont suspendu le 23 octobre 1883. Des réparations et des modifications de l’ouvrage sont aussitôt envisagées par le prolongement et l’adjonction d’une nouvelle travée de 100 mètres de portée en même temps que la réfection complète du système de suspension mais cela n’a pas été réalisé. Ce n’est qu’en 1901 que des travaux sont effectués. Le nouveau projet comprend la restauration de la suspension et la construction d’un guideau à la pile destiné à améliorer l’écoulement des eaux. Ces travaux ont coûté 145 000 F aux deux départements (Vaucluse et Bouches-du-Rhône). C’est Arnodin, ingénieur-constructeur à Châteauneuf-sur-Loire, qui a été sollicité pour ce projet. (Wikipédia)
 

 



Projet d'élévation du pont de 1835 par Arnodin (archives départementales)



Le pont sur la Durance en 1900.

 

Le pont de Pertuis saboté par les terroristes ! (Jean-Jacques Dias)


Tel aurait pu être le titre principal du 14 août 1944 si « LePertuisien.fr » avait alors existé.
 

Depuis le débarquement de Normandie, le 6 juin 1944, les actions des résistants, ceux que la presse de collaboration appelle des «terroristes», se sont intensifiées. Il s’agissait de désorganiser le système de transports du territoire français et de ralentir l’acheminement des renforts allemands pendant les opérations. Un débarquement est aussi attendu sur les côtes de Provence et les attaques aériennes des alliés sur les routes, les ponts et les gares et les noeuds de communications sont de plus en plus fréquentes.

Les ponts de la Durance, celui de Mirabeau comme ceux de Pertuis (2 ponts : le viaduc ferroviaire et le pont suspendu de la route d’Aix) sont particulièrement difficiles à atteindre pour les aviateurs américains. C’est donc aux résistants que revient la mission de détruire ces ponts.

Le pont de Pertuis a déjà été l’objet d’une tentative de dynamitage des câbles le 31 juillet 1944, mais cela n’a pas suffi pour le rendre vraiment impraticable. Le soir du 13 août, le tablier va enfin être rompu comme l’évoque dans son récit le Commandant RIVIERE ( Témoignage de M. BIANCHERI, alias Cdt Rivière, déposé aux Archives de Pertuis ) :

« Les Américains avaient essayé à plusieurs reprises de bombarder le pont de Pertuis et n’avaient pas réussi. Je reçus l’ordre de l’état-major FTP de faire sauter ce pont avec le groupe de Pertuis, commandé par Gaston GILLY.
Bourelly, Roch, SIMON, DAUMAS, ALLERT furent volontaires et nous partîmes le soir de la Tour d’Aigues vers les 20h, avec environ 20Kg de plastic. Ce sabotage s’accomplit avec un groupe de Pertuisiens commandés par ZAPPELINI, comprenant, Louis ROUX, Armand CHARREL et d’autres.

Vers les 21h30, le pont sauta et nous entendîmes la déflagration alors que nous étions sur le chemin du retour. »La route d’Aix est bien coupée, alors que le pont suspendu a conservé ses câbles. Il sera ainsi encore l’objet d’attaques aériennes.Depuis cette destruction et jusqu'à la construction du nouveau pont, en 1952, une passerelle en bois permettait, aux seuls piétons, le franchissement du pont pour se rendre dans les Bouches-du-Rhône.

1952, le nouveau pont de Pertuis est terminé. Il sera détruit en 2013.

Les années passent, les véhicules aussi (en moyenne, plus de 25.000 traversées par jour) et la nécessité de construire un nouveau pont, cette fois à double voie, fait son chemin.

Le 20 mai 2009, lors d’une visite de terrain à Cavaillon, le Président du Conseil général des Bouches-du-Rhône, Jean-Noël Guérini, et celui de Vaucluse, Claude Haut, réaffirment leur volonté de créer deux nouveaux ponts sur la Durance au niveau de Cavaillon et de Pertuis.

Vidéo de 2009 : https://www.youtube.com/watch?v=iOlx7dP6bEY

Sur le pont d’Avignon, "on y danse, on y danse". Aux abords du pont de Pertuis, on y drague ..."gayment" (côté Meyrargues), c'est du moins ce qui se disait sur Internet, et certains prétendaient même pouvoir y pratiquer le naturisme en toute quiétude.

Une quiétude devenue toute relative lorsque les travaux de construction débutèrent, tandis que la Mairie de Pertuis organisait une exposition  au Centre technique.

Le nouveau pont de Pertuis baptisé Louis-Philibert

Le nouveau pont, long de 260 m, est inauguré le 5 décembre 2013, après 33 mois de travaux d'un chantier colossal qui a coûté au total plus de 24 millions d'euros (40 % des conseils généraux Bouches-du-Rhône et Vaucluse et 20 % de la Région). L'ancien ouvrage a, lui, été déconstruit en juillet de la même année, après 62 ans de bons et loyaux services.

Une plaque portant le nom de Louis Philibert a été dévoilée, en hommage à cet homme né à Pertuis, maire de Puy Sainte-Réparade pendant près de 50 ans, président du conseil général des BdR de 1967 à 1989, conseiller régional, député, sénateur.

Mireille Jouve, maire de Meyrargues et Roger Pellenc, maire de Pertuis, ont tous deux parlé de "
trait d'union entre leurs deux communes". Enfin, Maurice Lovisolo, vice-président du conseil général du Vaucluse et conseiller général du canton de Pertuis, représentant Claude Haut, président du conseil général, a précisé que ce nouveau pont allait "contribuer encore à faire mentir l'étymologie qui fait remonter le nom de Vaucluse au latin vallis clausa, la vallée close."

Les travaux ont débuté en septembre 2011 avec la construction d'un rond-point entre la RD15 et la Durance. En avril 2011, lancement de la construction. De mai 2012 à novembre 2013, aménagement des berges. Octobre 2012-avril 2013 : réalisation des raccordements à l'ouvrage. Octobre 2012-octobre 2013 : aménagements paysagers. Avril à octobre 2013 : démolition de l'ancien pont (il datait de 1952). Le premier pont qui reliait les deux communes datait, lui, de 1840. Le nouveau pont est un ouvrage d'art hydraulique, mixte acier et béton avec 2x2 voies, une piste cyclable, une voie piétonne ainsi qu'un belvédère. (Aurélie FÉRIS, La Provence, 6 décembre 2013)


(Eric Vermeesch, avril 2011 - d'après les sources mentionnées dans le texte)

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